Café, Cafés
Audiberti, Mahmoud Darwich, Léon-Paul Fargue, Eduardo de Filippo, Mac-Orlan, Modiano, Raymond Queneau, Alain Robbe-Grillet, Sartre, Albert Simonin…
Mise en espace
- Jean-Claude Penchenat
Distribution
- Inès de Beaupuis
- Maria Derrien
- Chloé Donn
- Florence Huige
- Geneviève Rey-Penchenat
- Paul Marchadier
- Alexis Perret
- Jean Pommier
- Damien Roussineau
Lieux
- Théâtre de l'Épée de Bois, Cartoucherie, Paris 12e
- Forum 104, Paris 6e
- Presbytère, Montreuil-sur-Epte (95)
« Chez Bouboule ce qui dominait c’était le caractère. Ayant planqué son Star de nettoyeur de tranchée dans le tiroir-caisse et ceint le tablier bleu de son défunt daron, Bouboule s’était pointé dans son comptoir.
Là, un simple regard circulaire l’avait convaincu que ce bistrot où il était né, se trouvait être le plus bel endroit du monde, qu’il convenait d’y finir ses jours, sans permettre qu’on en modifie l’agencement, ni que personne jamais, ne l’y vienne faire tartir.
Intégrité du décor et autorité suprême dans la boutique depuis quarante piges, Bouboule, aussi intraitable qu’au jour de sa décision, militait pour ces deux principes »
Du mouron pour les petits oiseaux, Albert Simonin, 1960
ELOGIO DEL CAFFÈ AL BAR
Le rituel du café au bar est le suivant : on pose le ticket sur le comptoir avec 10 centimes, geste de reconnaissance pour le garçon qui prépare le café ; on attend… avant tout c’est le verre d’eau qui arrive (pétillante, à moins de l’avoir demandée plate) il sert à nettoyer la bouche avant de recevoir l’or noir.
Tout de suite après arrive la tasse brûlante, déjà sucrée. Alors on la retourne si elle n’est pas déjà arrivée à l’endroit, on trempe la petite cuillère pour ramener du fond le sucre caramélisé, 6, 7 tours énergiques jusqu’à obtenir un mélange parfait. On agite la petite cuillère en l’air pour déposer les trois gouttes de rigueur dans le café et on la nettoie dans la bouche avant de la déposer sur la soucoupe. Ensuite on saisit la tasse.
On la rapproche, les yeux fermés, pour que l’arôme imprègne le nez de son essence torréfiée. C’est le moment où les sens rejoignent la mémoire et disent : « À chacun ce qu’il mérite ».
On apprécie la première gorgée si l’on pousse le liquide contre la partie antérieure du palais, en utilisant les papilles les moins réceptives, mais qui nous préparent à l’apothéose de la deuxième gorgée, qui doit être dégustée surtout avec la partie postérieure du palais, juste avant le pharynx, repaire de toutes les saveurs intenses et où le café se dévoile : chef-d’œuvre ou contrefaçon. La deuxième gorgée c’est comme la mise à mort du taureau dans une corrida, consécration ou ruine, c’est implacable.
Avant la troisième et dernière gorgée on agite avec fermeté la tasse en dessinant des petits cercles pour que le sucre qui est au fond se mélange au peu de café qui reste et nous inonde de toute sa force.
Et pour nous tenir compagnie une fois qu’on la ingurgité en arrière-goût : chocolat, citron et fruits secs…
José Vicente Quirante Rives
VOGLIA DI CAFFÈ
Alors…
Je suis assis à une table de café, et je suis en train de boire un café et de lire mon journal en cherchant désespéré- ment à ne pas me faire remarquer et à ce moment précis arrive un type.
Il s’approche très très près et me scrute d’une façon assez inquiétante.
Moi je lui fais :
– Salut !
Lui ne réagit pas et continue à me regarder d’un œil je dirais… plutôt torve.
Moi, comme si de rien n’était je bois mon café et je lis mon journal, lui ne se barre pas.
Alors moi, je me retourne et je lui fais :
– Écoute, si tu veux quelque chose t’as qu’à parler !
Il me montre du doigt et me fait :
– Pardon, mais toi ? C’est toi ?
Alors supposons que je m’appelle Roger Pichu et que j’ai la malchance de ressembler à un comédien, Christophe Lambert, moi. Si quelqu’un vient vers moi et me demande Pardon, mais toi ? C’est toi ?, moi je lui dis oui. C’est-à-dire qu’en tant que Roger Pichu c’est moi. Moi aussi je fais comme ça, je lui ai dit :
– Oui, écoute, je te jure que moi c’est moi !
– Je te voyais plus grand.
– Je suis vraiment désolé d’être à l’origine de cette déception.
– Sûr, qu’en vrai, vivant, vous les comédiens vous êtes tout autre chose.
– Je te demande pardon au nom de la famille des comédiens, et de toute façon comme on dit : « Mieux en vrai qu’en faux. »
– Quand même qu’est-ce que tu fais ici ?
Partons de l’idée que je dois bien être quelque part, mais à part ça si tu avais approfondi un petit peu ton enquête personnelle tu aurais compris tout seul que j’étais en train de boire un putain de café et de lire un putain de journal.
– Vas-y, signe moi un autographe, j’ai une pote qu’est ta fan’s !
Ta fan’s ??? Vous pouvez rigoler, mais c’est une maladie qui s’est répandue comme une tache d’huile, et tant qu’on parle des gens qui font des fautes de grammaire on s’en fout, mais si c’est un problème de personnalités multiples alors on est tous dans la merde, mais enfin…
– Bien, vu que tu es très gentil, je te signe volontiers mon autographe.
Il me regarde, je le regarde, il me regarde à nouveau, je le regarde à mon tour et il me fait :
– Vas-y.
Je lui dis :
– Pour signer un autographe, j’ai besoin au minimum d’un papier et d’un stylo.
– Je croyais que vous les comédiens vous aviez toujours du papier et un stylo sur vous.
– Je suis vraiment navré de t’avoir procuré cette troisième atroce déception en si peu de temps, mais par malchance aujourd’hui j’ai laissé ma papèterie mobile chez moi.
Il soupire et d’un air qui veut dire « C’est moi qui dois tout faire… » il va vers le comptoir du bar, il prend du papier et un stylo, il revient et les pose devant moi sur la table et il me dit :
– Ajoute aussi une dédicace.
Il me regarde, je le regarde, il me regarde encore, je le regarde à mon tour et il me répète :
– Vas-y !
Alors je lui dis :
– Pour écrire une dédicace il me faut au minimum le nom de la personne…
– Bon… écris « À Marthe avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d’amour, Lambert Wilson ! »
Luciano Ligabue