Proust pour rire
d’après le Bréviaire jubilatoire de « À la recherche du temps perdu » de Laure Hillerin
Mise en espace
- Jean-Claude Penchenat
en collaboration avec
- Laure Hillerin
- lors de la parution de "Proust pour rire" bréviaire jubilatoire de "À la recherche du temps perdu" aux Éditions Flammarion
Distribution
- Inès de Beaupuis
- Brigitte Belle
- Chloé Donn
- Laure Hillerin
- Daïna La Varenne
- Françoise Miquelis
- Geneviève Rey-Penchenat
- Samuel Bonnafil
- Harold Crouzet
- Jean-Claude Penchenat
- Alexis Perret
- François Pick
- Damien Roussineau
- Raphaël Tanant
- Michel Toty
- Piano : Ellina Akimova
Lieux
- Forum 104, Paris 6e
- Atelier Laurence-Godard, Paris 14e
- L'Apostrophe, Chartres (28)
- Lycée Jacques Decour, Paris 9e
- Chez Anne-Marie et Fabrice Poirion, Paris 20e
« Droite, isolée, ayant à ses côtés son mari et moi, la duchesse de Guermantes se tenait à gauche de l’escalier, déjà enveloppée dans son manteau à la Tiepolo, le col enserré dans le fermoir de rubis, dévorée des yeux par des femmes, des hommes, qui cherchaient à surprendre le secret de son élégance et de sa beauté. »
« Quant à la jeune marquise de Cambremer, on ne peut pas dire qu’elle fût bête ; elle débordait d’une intelligence que je sentais m’être entièrement inutile.
– Au nom du ciel, après un peintre comme Monet, qui est tout bonnement un génie, n’allez pas nommer un vieux poncif sans talent comme Poussin. Je vous dirai tout nûment que je le trouve le plus barbifiant des raseurs. Qu’est-ce que vous voulez, je ne peux pourtant pas appeler cela de la peinture. Monet, Degas, Manet, oui, voilà des peintres ! C’est très curieux…
Elle fixait un regard scrutateur et ravi sur un point vague de l’espace, où elle apercevait sa propre pensée…
– C’est très curieux, autrefois je préférais Manet. Maintenant, j’admire toujours Manet, c’est entendu, mais je crois que je lui préfère peut-être encore Monet. Ah ! les cathédrales !
– Mais M. Degas assure qu’il ne connaît rien de plus beau que les Poussin de Chantilly.
– Ouais ? Je ne connais pas ceux de Chantilly…
Mme de Cambremer ne voulait pas être d’un autre avis que Degas…
– Mais je peux parler de ceux du Louvre qui sont des horreurs.
– Il les admire aussi énormément.
– Il faudra que je les revoie. Tout cela est un peu ancien dans ma tête…
Comme si le jugement favorable qu’elle allait certainement bientôt porter sur Poussin devait dépendre, non de la nou- velle que je venais de lui communiquer, mais de l’examen supplémentaire et cette fois définitif qu’elle comptait faire subir aux Poussin du Louvre pour avoir la faculté de se déjuger.
– Mais quel chef-d’œuvre que Pelléas ! J’en suis férue !
Et s’approchant de moi avec les gestes d’une femme sauvage qui aurait voulu me faire des agaceries, s’aidant des doigts pour piquer les notes imaginaires, elle se mit à fredonner quelque chose que je supposai être pour elle les adieux de Pelléas.